l’intramorphose
exposition collective et nouvelle d’exposition
curatée et écrite pour Treize
12.03.2025 - 10.05.2025
En se réveillant un matin après une nuit de rêves agités, la première chose que Camille ne put s’empêcher de remarquer en tirant les rideaux de sa chambre fut la lune. Une lune grande et acide, jaunâtre et gibbeuse, grosse comme la coque d’une gigantesque noix et qui se tenait là, altière, à quelques mètres à peine au dessus du niveau de la mer. Camille maugréa. Encore embrumé, il se frotta les yeux et pinça l’arrête de son nez. Pour l’instant, le vallon qui s’étendait devant ses yeux se tenait calme, engoncé dans la torpeur d’un matin dont les heures s’étirent et semblent refuser de laisser leurs places aux autres heures de la journée. Les façades des maisons, la falaise de calcaire ouverte d’arbrisseaux et de mousses, les murs de l’école et les barques des pêcheurs qui mouillaient à l’abri des vagues dans l’enceinte au port baignaient dans la lumière d’un soleil à la couleur de mandarine. De la fenêtre de sa chambre, concrète, bien tangible et réelle, Camille voyait l’horizon passer sans rupture de l’orange au rouge azalée pendant que dans le lointain résonnait le cri des hommes qui se changent en bêtes. « Ah, Dieu, se dit-il. Que les choses sont belles quand elles se tiennent en ordre ». Mais il savait très bien que cela ne durerait pas, que l’équilibre des choses étaient un équilibre précaires, que le principe de réalité relevait d’un consensus incroyablement fragiles et que, bientôt, le paysage déborderait à nouveau. Seule la lune, immense et princière, électrique et monstrueuse, resterait là, permanente, hautaine ; gouailleuse comme un ivrogne qui exhibe les étrangetés de son anatomie en plein milieu des artères bondées. Depuis trois ans déjà, l’astre s’échinait à ne plus bouger là, à zoner à trois-quart plein dans ce même coin du ciel qu’autrefois il aimait tant regardait quand il contemplait l’horizon.Son regard se tourna ensuite vers sa chambre, qu’il connaissait bien. À côté de la commode était entreposé une pile de livre dont il entreprit de consulter les couvertures. « Et si je lisais un peu, pour oublier toutes ces sottises ? » se dit-il, mais c’était absolument impossibles, car les lettres de ses romans s’étaient toutes mélangées et, la dernière fois qu’il avait ouvert son livre préféré, il était tombé au lieu de son histoire favorite sur une autre, une histoire bizarre, à la fois familière mais aussi tout à fait nouvelle. D’aucun n’aurait pu dire ce que contenait le jours, mais la chance sourit aux audacieux et la réussite dévoile ses hanches aux gens de bonnes mises. Aussi, Camille se rendit dans la salle de bain pour y faire sa toilette, mais lorsque son pied nu rencontra la froideur du carrelage blanc crème, il fut pris d’une sorte de malaise. Depuis quelques temps, son miroir l’imitaient de moins en moins et Camille estimait que ce dernier prenait à son égard des liberté qu’il jugeait tout simplement inacceptable. La semaine dernière, alors qu’il tentait de ranger une mèche de cheveux qu’il toujours eu rebelle et qui commençait à grisonner, son reflet lui avait fait un clin d’œil. Décontenancé, il avait avait poussé un petit cri de surprise, mais les sons qui sortirent de sa bouchent semblaient chargés d’autres notes. C’était sans aucun doute possible sa voix, mais il ne l’a reconnu pas complètement. Par dessus ses intonations, comme un drap que l’on tend par dessus les statues des jardins publics pour les protéger de l’hiver, une autre nappe de son qui tenait à la fois de l’éboulis de talus et de la mandibulations d’insectes, recouvrirent son cri qui se retrouva dès lors privé de la stridence qu’il aurai dû avoir. Camille effectuait depuis ce jours sa toilette alors avec une sorte de défiance. Il n’avait jamais été de ceux que l’exercice du miroir complexe, mais il préférait tout de même au moment garder une certaine vigilance au cas ou réapparaitra sur la lame de son rasoir la radiance trouble d’une couleur qu’il n’avait jamais observé jusqu’alors.
© Florent Groc